C’est une destination unique, l’un de ces lieux qui vous laissent un souvenir impérissable. Il flotte ici une atmosphère particulière, l’impression d’être à la fois hors du temps et en avance sur lui. Située aux confins des trois anciennes provinces du Poitou, de la Touraine et de l’Anjou, l’abbaye de Fontevraud voisine avec le château de Montsoreau, le tuffeau saumurois et les vignes de Champigny : une trame ligérienne inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2000.
Une cité dirigée par des femmes pendant 7 siècles
Fondé par Robert d’Arbrissel à l’aube du XIIe siècle, l’ensemble est l’une des plus vastes cités monastiques du Moyen Âge. Bien au-delà de sa seule emprise angevine, l’Ordre de Fontevraud a rayonné durant des siècles de l’Angleterre à l’Espagne, avec à sa tête une abbesse responsable de nombreuses communautés d’hommes et de femmes. Une tradition qui interroge sur la place des femmes au XVIIe siècle, à travers le portrait croisé de deux soeurs : Gabrielle de Rochechouart – surnommée la reine des abbesses – et Madame de Montespan, la favorite de Louis XIV.
Cette exposition rappelle la proximité qui a longtemps existé entre l’abbaye de Fontevraud et le pouvoir royal : ce fut le cas avec la dynastie Plantagenêt – les gisants d’Aliénor d’Aquitaine, d’Henri II et de Richard Cœur de Lion sont exposés dans l’église abbatiale – et celle de Bourbon. Lieu de pouvoir et spirituel, le site ligérien a aussi été, de 1814 à 1963, l’une des prisons les plus dures de France abritant jusqu’à 2 000 détenus, évoquée par l’écrivain Jean Genet dans son roman « Le Miracle de la rose ».
De plain-pied dans le 21e siècle
De l’abbatiale à la salle capitulaire aux murs ornés de peintures du XVIe siècle, des cachots au cloître du Grand Moûtier, c’est tout cela que raconte la visite d’une abbaye qui a aussi su entrer de plain-pied dans le XXIe siècle. Une chaufferie bois, un hôtel et un bar high-tech, ou une table étoilée sous la coupe du talentueux Thibaut Ruggeri, en témoignent. Comme la programmation du site, qui met en scène une « murder party », un escape game, des artistes contemporains et un festival de clavecin. En perpétuelle évolution, l’abbaye abritera prochainement, au sein des anciennes écuries, près de 700 œuvres d’art moderne, données par l’ancien industriel Léon Cligman.
Les cuisines au prisme de l'archéologie
Sa couverture en écailles est l’une des curiosités architecturales du site : la cuisine monastique de l’abbaye royale de Fontevraud est remarquable par son état de conservation. Emblématique, elle est pourtant loin d’avoir livré tous ses secrets. « À l’exception d’un plan du XVIIIe, nous n’avons quasi aucun document sur les cuisines », relève Jean-Yves Hunot, archéologue du Département et spécialiste des lieux.
Avec son équipe, il vient de mener des fouilles au sol dans ce bâtiment jusque-là peu exploré, à l’occasion d’importants travaux de restauration prescrits par la Direction régionale des affaires culturelles, cofinancés par l’État et la Région. Les fouilles en cours ont confirmé l’existence d’une structure de chauffe centrale et d’aires latérales de préparation des repas. Les mois à venir seront consacrés à l’étude du contenu des fosses (des arêtes de poissons ont été trouvées) et à celle des élévations en écailles. Pierre par pierre, les archéologues essayeront de déterminer notamment à quelle(s) époque(s) ont été installées les absidioles. La fin des études de terrain est prévue pour 2020.