La voix est recouverte d’un léger voile, mais reste claire, tranchante. Prête à en découdre ou à expliquer, c’est selon.
Voilà bientôt un an, Christiane Lambert était propulsée à la tête de la puissante Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) suite au décès brutal de Xavier Beulin.
Un poste exposé, où il s’agit de savoir encaisser les coups, en donner aussi, occuper le terrain médiatique autant que celui des exploitations de France et de Navarre, convaincre ses troupes en même temps que le grand public. « Être élue, c’est comme coacher une équipe : il faut avoir la niaque, susciter de l’émotion, être lisible pour gagner la confiance. » Le verbe haut, Christiane Lambert reçoit dans sa cuisine, un matin gris de janvier. Sans fioriture. « Je ne me cache pas, j’ai un compte Twitter que je gère moi-même et mon numéro est dans l’annuaire », annonce-t-elle fièrement.
Le Maine-et-Loire, terre fertile
Fort de 7 250 exploitations, dont plus de 600 certifiées bio et 11 600 emplois, le Maine-et-Loire est le 3e département agricole français. Malgré le transfert du volet économique de l’agriculture à la Région, le Conseil départemental a souhaité continuer à encourager la richesse et les savoir-faire de Maine-et-Loire. Près de 450 000 € sont apportés en 2018 pour soutenir le développement d’une agriculture respectueuse de l’environnement et la valorisation des produits locaux.
Une vocation de toujours
Pas sûr cependant que vous puissiez la joindre aisément. La semaine précédente, la présidente était à Angers le lundi, à Paris le mardi et le jeudi, à Cavaillon le mercredi, puis à Clermont-Ferrand le vendredi et dans les Landes le samedi. « On s’imprègne du terrain, auprès de personnes avec une sincérité extraordinaire, on entend ce qui ne va pas, mais aussi ce qui va bien », assure celle qui s’est fait un devoir de redorer le blason parfois terni de l’agriculture, et ce, depuis l’enfance.
Agriculture et engagement : l’un est consubstantiel à l’autre chez Christiane Lambert. Fille d’agriculteurs du Cantal, la syndicaliste se souvient être parfois rentrée de l’école en pleurant à chaudes larmes. « On se moquait de moi parce que je revendiquais déjà, à huit ans, vouloir être agricultrice. » Une réalité qui vous forge un tempérament.
Une femme dans un monde d’hommes
Très tôt syndiquée, Christiane Lambert se fait remarquer dès l’âge de 20 ans, d’abord au sein des Jeunes agriculteurs, puis à la FNSEA. « Mes proches et mes collaborateurs disent que j’ai été vaccinée avec une aiguille de phono, on me demande l’heure, j’explique la montre », souligne-t-elle pour illustrer la méthode Lambert, très différente de celle de ses prédécesseurs à la tête de la fédération agricole. Une femme dans un monde d’hommes. « C’est vrai, mais c’est une singularité qui me rend visible dans le paysage. Et on n’a jamais dépassé avec moi le stade des blagues potaches. »
Un respect dû à la constance de son engagement. En 1988, lorsque Christiane Lambert décide de quitter l’Auvergne pour reprendre avec son mari Thierry l’entreprise porcine de ses beaux-parents, en Anjou, elle repart « au bas » de l’échelle syndicale. La ville de Bouillé-Ménard, puis le département, ne tardent pas à découvrir la gouaille et la « fibre verte » assumée de l’agricultrice. « J’ai quitté le Cantal en pleurant, mais j’apprécie en Anjou l’importance de la parole donnée et une dynamique collective : c’est consensuel, mais quand même dans l’action », avance celle qui cogère aujourd’hui une exploitation de 106 hectares et 230 têtes. Consciente de l’importance de l’image autant que des enjeux qui entourent l’avenir de l’agriculture, Christiane Lambert est aujourd’hui une figure incontournable de la sphère médiatique : citée par Forbes à la 5e place dans son palmarès des personnalités françaises estampillées « business ». Elle y voisine avec Pierre Gattaz, Xavier Niel ou Luc Besson. En toute simplicité.