En voilà deux qui ont le trait facile, qu’il s’agisse d’esquisser sur des murs immaculés la forme d’une ville ou de placer un bon mot dans la conversation. Jordane et Corentin ont une chance inouïe : ils jouent en permanence et en ont fait leur métier. Feutres à la main, ils deviennent Dupin & Duclos et convoquent, en composant des villes imaginaires, les gosses qui sommeillent en chacun de nous. On retrouve ainsi leurs œuvres sur le tramway de la ville d’Angers, dans le quartier en rénovation de Monplaisir, lors des Journées du Patrimoine, mais également sur les vitres du Nid de Nantes ou les murs du château du Plessis-Macé.
Des cahiers de cours à la création
Et dire que tout est parti… du fond de la classe ! « On s’est rencontré il y a 10 ans, à l’Institut supérieur des arts appliqués de Nantes », détaille Jordane (Dupin). Les « deux gamins de la campagne qui voyaient la ville de loin » se découvrent une passion commune pour l’illustration et l’architecture. « Pendant les cours, on gribouillait à la manière des cadavres exquis, le but étant de se faire marrer l’un l’autre », complète Corentin (Duclos). Le duo se forme, propose à l’examen la représentation de ce que serait une ville sans développement durable et se nourrit de références communes, le dessinateur Bastien Vivès en tête. Dupin & Duclos, « c’est un rêve de gosse » longtemps conservé « sous le coude ».
Au sortir de l’école, Jordane le Nantais et Corentin l’Angevin ne se perdent pas de vue mais vivent des expériences professionnelles bien distinctes : le design graphique en freelance pour le premier, la communication de grande entreprise et un tour du monde pour le second. La promesse des cités imaginaires, « de la ville qui se répand de manière organique », se rappelle pourtant régulièrement à eux. « Dupin & Duclos revenait tout le temps, dans les discussions ou par le biais de sollicitations », explique Corentin. Le déclic, c’est une performance en live, sur les toits de Paris, « où l’on voyait des types en costards comme des gosses devant ce que l’on dessinait ».
La suite est histoire d’opportunité et de culot. La force du noir et blanc et la complicité rieuse des deux artistes finissent de les convaincre : Dupin & Duclos naît officiellement en 2018. Le duo se nourrit « des belles pierres » de la région mais rêve d’international, d’autres cultures, de « cosmopolite », pour enrichir toujours un peu plus leur passion de l’architecture et alimenter un terrain de jeu qu’ils explorent depuis bientôt 10 ans.
Un savant mélange d’ordre et de chaos
Il est quasi-impossible de distinguer qui a fait quoi, dans le foisonnement de bâtiments, d’artères, de monuments et d’anachronismes malicieusement disséminés sur chacune de leur composition. « On continue à lisser notre trait, explique Jordane, le mien est peut-être plus propre, plus rond, mais je suis moins créatif que Corentin. Il amène du chaos et on s’accorde bien là-dessus. ».
Concentré de plaisir et de savoir faire, de gammes autant que d’improvisation, les œuvres de Dupin & Duclos pétillent, interrogent, amusent ou transportent. Sous des faux-airs d’enfance de l’art, elles révèlent en fait tout l’art de l’enfance.
Interview Dupin et Duclos
Biographie
- 1991 et 1993 : Naissance de Corentin en Haute-Savoie et de Jordane en Loire-Atlantique
- 2010 : Rencontre à l’Institut supérieur des arts appliqués (LISAA) de Nantes
- 2014 : Première exposition à Montréal
- 2018 : Corentin et Jordane décident de se consacrer à 100 % à Dupin & Duclo
- 2021 : Exposition « La Vallée des Rois » au Plessis-Macé.